Descartes et les Mathématiques « La Géométrie » de René Descartes - Livre PremierTexte en français modernisé d'après l'édition de 1637 publiée dans The geometry of Rene Descartes de David Eugene Smith et Marcia L. Latham, | ||||||||||||||||||
Table des matières
Page 297 : Fac-similé et commentaires La résolution géométrique selon Descartes Livre PremierDes problèmes qu'on peut construire sans y employer que des cercles et des lignes droites.C'est-à-dire à la règle et au compas. Tous les Problèmes de Géométrie se peuvent facilement réduire à tels termes, qu'il n'est besoin par après que de connaître la longueur de quelques lignes droites, pour les construire. Tous les problèmes de géométrie peuvent se réduire à des calculs numériques. C'est la pensée fondamentale de Descartes qui fonde la géométrie analytique. Comment le calcul d'Arithmétique se rapporte aux opérations de GéométrieEn géométrie, l'introduction d'un segment unité permet de réaliser toutes les opérations arithmétiques. Et comme toute l'Arithmétique n'est composée, que de quatre ou cinq opérations, qui sont l'Addition, la Soustraction, la Multiplication, la Division, et l'Extraction des racines, qu'on peut prendre pour une espèce de Division : Ainsi n'a-t-on autre chose à faire en Géométrie touchant les lignes qu'on cherche, pour les préparer à être connues, que leur en ajouter d'autres, ou en ôter, ou bien en ayant une, que je nommerai l'unité pour la rapporter d'autant mieux aux nombres, et qui peut ordinairement être prise à discrétion, puis en ayant encore deux autres, en trouver une quatrième, qui soit à l'une de ces deux, comme l'autre est à l'unité, ce qui est le même que la Multiplication ; ou bien en trouver une quatrième qui soit à l'une de ces deux, comme l'unité est à l'autre, ce qui est le même que la Division ; ou enfin trouver une, ou deux, ou plusieurs moyennes proportionnelles entre l'unité, et quelque autre ligne ; ce qui est le même que tirer la racine carrée, ou cubique, etc. Et je ne craindrai pas d'introduire ces termes d'Arithmétique en la Géométrie, afin de me rendre plus intelligible. Descartes traduit les opérations par une figure géométrique (triangles de Thalès) mettant en valeur les proportions. Avec C = 1, on a les proportions suivantes, pour | ||||||||||||||||||
Page 298 : Fac-similé et commentaires Comment se font géométriquement la multiplication, la division et l'extraction de la racine carréeLe théorème de Thalès : Descartes commence sa Géométrie en introduisant l'unité dans une configuration du théorème de Thalès : la multiplication est construite comme une longueur et non comme une aire, ce qui va lui permettre la numérisation de la géométrie. La MultiplicationIl suffit de lire sur la figure l'égalité de rapports BE/BD = BC/AB soit a/b = c/1 ; en prenant pour unité AB = 1, Soit par exemple AB l'unité, et qu'il faille multiplier BD par BC, je n'ai qu'a joindre les points A et C, puis tirer DE parallèle à CA, et BE est le produit de cette Multiplication. La DivisionDe même des rapports BE/BD = BC/AB soit a/b = c/1 ; on peut déduire le quotient c = a/b. Ou bien s'il faut diviser BE par BD, ayant joint les points E et D, je tire AC parallèle à DE, et BC est le produit de cette division. L'Extraction de la racine carréeOu s'il faut tirer la racine carrée de GH, je lui ajoute en ligne droite FG, qui est l'unité, et divisant FH en deux parties égales au point K, du centre K je tire le cercle FIH, puis élevant du point G une ligne droite jusqu'à I, à angles droits sur FH, c'est GI la racine cherchée. Le carré de la hauteur GI issue de l'angle droit du triangle rectangle FIH est égal au produit FG × GH des longueurs des segments découpés sur l'hypoténuse. GI2 = FG × GH = 1 × GH = GH, soit : GI = . Je ne dis rien ici de la racine cubique, ni des autres, à cause que j'en parlerai plus commodément ci-après. | ||||||||||||||||||
User de chiffres en géométrieDescartes répète presque toujours les facteurs aa égaux lorsqu'ils ne sont qu'au nombre de deux. Ici comme Victor Cousin, nous avons constamment adopté la notation a2 Symbole racine carrée : Descartes invente ici le signe et l'utilise indifféremment pour la racine carrée ou avec la constante C homogène indique la racine cubique . Descartes n'utilise pas de parenthèse dans les expressions algébriques. La constance C = 1 est utilisée ci-contre pour respecter la règle des homogènes. On multiplie ou on divise par l'unité pour trouver la même dimension dans tous les termes. Descartes utilise comme symbole de l'égalité le signe , déformation de la diphtongue de ce mot en latin : æquare. Mais souvent on n'a pas besoin de tracer ainsi ces lignes sur le papier, et il suffit de les désigner par quelques lettres, chacune par une seule. et pour diviser a par b ; et aa ou a2 pour multiplier a par soi-même ; et a3 pour le multiplier encore une fois par a, et ainsi à l'infini ; et pour tirer la racine carrée de a2 + b2 ; Où il est à remarquer que par a2 ou b3, ou semblables, je ne conçois ordinairement que des lignes toutes simples, encore que pour me servir des noms usités en l'algèbre je les nomme des carrés ou des cubes, etc. Il est aussi à remarquer que toutes les parties d'une même ligne se doivent ordinairement exprimer par autant de dimensions l'une que l'autre, lorsque l'unité n'est point déterminée en la question, comme ici a3 en contient autant que ab2 ou b3 dont se compose la ligne que j'ai nommée racine cubique de a3 – b3 + ab2 ; mais que ce n'est pas de même lorsque l'unité est déterminée, à cause qu'elle peut être sous-entendue partout où il y a trop ou trop peu de dimensions : comme s'il faut tirer la racine cubique de a2b2 – b, il faut penser que la quantité a2b2 est divisée une fois par l'unité, et que l'autre quantité b est multipliée deux fois par la même unité. Au reste, afin de ne pas manquer à se souvenir des noms de ces lignes, il en faut toujours faire un registre séparé à mesure qu'on les pose ou qu'on les change, écrivant par exemple : | ||||||||||||||||||
Page 300 : Fac-similé et commentaires Comment il faut venir aux équations qui servent à résoudre les problèmesAvec pédagogie, Descartes expose sa méthode : Ainsi, voulant résoudre quelque problème, on doit d'abord le considérer comme déjà fait, et donner des noms à toutes les lignes qui semblent nécessaires pour le construire, aussi bien à celles qui sont inconnues qu'aux autres. Descartes utilisera le premier les lettres du début de l'alphabet a, b, c, d… pour les lignes connues et celles de la fin pour les lignes inconnues x, y, z. Puis, sans considérer aucune différence entre ces lignes connues et inconnues, on doit parcourir la difficulté selon l'ordre qui montre le plus naturellement de tous en quelle sorte elles dépendent mutuellement les unes des autres, jusqu'à ce qu'on ait trouvé moyen d'exprimer une même quantité en deux façons, ce qui se nomme une équation ; car les termes de l'une de ces deux façons sont égaux à ceux de l'autre. Et on doit trouver autant de telles équations, qu'on a supposé de lignes, qui étaient inconnues. Ou bien, s'il ne s'en trouve pas tant, et que nonobstant on n'omette rien de ce qui est désiré en la question, cela témoigne qu'elle n'est pas entièrement déterminée. Et lors on peut prendre à discrétion des lignes connues pour toutes les inconnues auxquelles ne correspond aucune équation. Après cela, s'il en reste encore plusieurs, il se faut servir par ordre de chacune des équations qui restent aussi, soit en la considérant toute seule, soit en la comparant avec les autres, pour expliquer chacune de ces lignes inconnues, et faire ainsi, en les démêlant, qu'il n'en demeure qu'une seule égale à quelque autre qui soit connue, ou bien dont le carré, ou le cube, ou le carré de carré, ou le sursolide, ou le carré de cube, etc., soit égal à ce qui se produit par l'addition ou soustraction de deux ou plusieurs autres quantités, dont l'une soit connue, et les autres soient composées de quelques moyennes proportionnelles entre l'unité et ce carré, ou cube, ou carré de carré, etc., multipliées par d'autres connues. Ce que j'écris en cette sorte : z = b, C'est-à-dire z, que je prends pour la quantité inconnue, est égale à b ; ou le carré de z est égal au carré de b moins a multiplié par z ; ou le cube de z est égal à a multiplié par le carré de z plus le carré de b multiplié par z moins le cube de c ; et ainsi des autres. Et on peut toujours réduire ainsi toutes les quantités inconnues à une seule, lorsque le problème se peut construire par des cercles et des lignes droites, ou aussi par des sections coniques, ou même par quelque autre ligne qui ne soit que d'un ou deux degrés plus composée. Mais je ne m'arrête point à expliquer ceci plus en détail, à cause que je vous ôterais le plaisir de l'apprendre de vous-même, et l'utilité de cultiver votre esprit en vous y exerçant, qui est à mon avis la principale qu'on puisse tirer de cette science. Aussi que je n'y remarque rien de si difficile que ceux qui seront un peu versés en la géométrie commune et en l'algèbre, ait qui prendront garde à tout ce qui est en ce traité, ne puissent trouver. C'est pourquoi je me contenterai ici de vous avertir que, pourvu qu'en démêlant ces équations, on ne manque point à se servir de toutes les divisions qui seront possibles, on aura infailliblement les plus simples termes auxquels la question puisse être réduite. | ||||||||||||||||||
Page 302 : Fac-similé et commentaires L'équation du second degré : Quels sont les problèmes plansLes problèmes plans se ramènent à la résolution d'une équation du deuxième degré, Il en représente les solutions positives par un segment. Et que si elle peut être résolue par la géométrie ordinaire, c'est-à-dire en ne se servant que de lignes droites et circulaires tracées sur une superficie plate, lorsque la dernière équation aura été entièrement démêlée, il n'y restera tout au plus qu'un carré inconnu, égal à ce qui se produit de l'addition ou soustraction de sa racine multipliée par quelque quantité connue, et de quelque autre quantité aussi connue. Comment ils se résolventEt lors cette racine, ou ligne inconnue, se trouve aisément. Équation z2 = a z + b2Cas où l'équation du second degré n’a qu'une racine positive, car Descartes ignore les nombres négatifs. La justification repose sur la notion de puissance du point M par rapport au cercle. Car si j'ai par exemple z2 = az + b2, je fais le triangle rectangle NLM, dont le côté LM est égal à b, racine carrée de la quantité connue b2, et l'autre LN est a, la moitié de l'autre quantité connue qui était multipliée par z, que je suppose être la ligne inconnue ; puis prolongeant MN, la base de ce triangle, jusqu'à O, en sorte qu'NO soit égale à NL, la toute OM est z, la ligne cherchée. Et elle s'exprime en cette sorte : .
Équation y2 = – ay + b2Que si j'ai y2 = – ay + b2, et qu'y soit la quantité qu'il faut trouver, je fais le même triangle rectangle NLM, et de sa base MN j'ôte NP égale à NL, et le reste PM est y la racine cherchée. De façon que j'ai Équation x4 = – ax2 + b2 et tout de même si j'avais x4 = – ax2 + b2. PM serait x2 et j'aurais et ainsi des autres. Équation y2 = ay – b2Enfin si j'ai z2 = az – b2, je fais NL égale à a, et LM égale à b comme devant, puis, au lieu de joindre les points M N je tire MQR parallèle à LN. et . Et si le cercle, qui ayant son centre au point N, passe par le point L, ne coupe ni ne touche la ligne droite MQR, il n'y a aucune racine en l'Équation, de façon qu'on peut assurer que la construction du problème proposé est impossible. Au reste, ces mêmes racines se peuvent trouver par une infinité d'autres moyens, et j'ai seulement voulu mettre ceux-ci, comme fort simples, afin de faire voir qu'on peut construire tous les Problèmes de la Géométrie ordinaire sans faire autre chose que le peu qui est compris dans les quatre figures que j'ai expliquées. Ce que je ne crois pas que les Anciens aient remarqué ; car autrement ils n'eussent pas pris la peine d'en écrire tant de gros livres où le seul ordre de leurs propositions nous fait connaître qu'ils n'ont point eu la vraie méthode pour les trouver toutes, mais qu'ils ont seulement ramassé celles qu'ils ont rencontrées. | ||||||||||||||||||
Page 304 : Fac-similé et commentaires Exemple tiré de PappusJe cite plutôt la version latine que le texte grec, afin que chacun l'entende plus aisément Traduction du texte grec de Pappus, d'après l'édition de Fr. Hultsch Nous donnons tout d'abord le passage, visé dans ce texte, du préambule du livre I des Coniques d'Apollonius : « Le livre III contient nombre de théorèmes remarquables, qui sont utiles pour la synthèse des lieux plans et la détermination des conditions de possibilité des problèmes. le rectangle : le produit des distances du point aux deux droites | ||||||||||||||||||
Et on peut le voir aussi fort clairement de ce que Pappus a mis au commencement de son septième livre, où après s'être arrêté quelque temps à dénombrer tout ce qui avait été écrit en géométrie par ceux qui l'avaient précédé, il parle enfin d'une question qu'il dit que ni Euclide, ni Apollonius, ni aucun autre, n'avaient su entièrement résoudre ; et voici ses mots : « Mais ce lieu à 3 et 4 lignes, dont Apollonius dit, à propos de son livre III, qu'Euclide ne l'a pas complètement traité, lui-même, pas plus qu'aucun autre, n'aurait pu l'achever, ni même rien ajouter à ce qu'Euclide en a écrit, du moins en s'en tenant exclusivement aux Éléments des Coniques déjà démontrés au temps d'Euclide, etc. » Et un peu après il explique ainsi quelle est cette question : « Voici quel est ce lieu à 3 et 4 lignes, à propos duquel Apollonius se décerne de grands éloges pour ses additions et dont il aurait dû savoir gré au premier qui en a écrit. Si, trois droites étant données de position, on mène d'un même point, sur ces trois droites, trois autres sous des angles donnés, et qu'on donne le rapport du rectangle compris sous deux des menées au carré de la troisième, le point se trouvera sur un lieu solide donné de position, c'est-à-dire sur l'une des trois coniques. » « Si c'est sur quatre droites données de position que l'on mène des droites sous des angles donnés, et qu'on donne le rapport du rectangle de deux des menées à celui des deux autres, le point se trouvera de même sur une section conique donnée de position. D'autre part, si les droites sont seulement au nombre de deux, il est établi que le lieu est plan ; mais, s'il y a plus de quatre droites, le lieu du point n'est plus de ceux qui soient connus ; il est de ceux qu'on appelle simplement lignes (sans en savoir davantage sur leur nature ou leurs propriétés), et on n'a fait la synthèse d'aucune de ces lignes, ni montré qu'elle servît pour ces lieux, pas même pour celle qui semblerait la première et la plus indiquée. » Voici comment on propose ces lieux. (Titre du traducteur) « Si d'un point on mène à cinq droites données de position d'autres droites sous des angles donnés, et qu'on donne le rapport entre le parallélépipède rectangle compris sous trois des menées et le parallélépipède rectangle compris sous les deux autres et sous une donnée, le point se trouvera sur une ligne donnée de position. » « Si les droites données sont au nombre de six, et que l'on donne le rapport du solide compris sous trois des menées au solide compris sous les trois autres, le point se trouvera de même sur une ligne donnée de position. » « S'il y a plus de six droites, on ne peut plus dire que l'on donne le rapport entre quelque objet compris sous quatre droites et le même compris sous les autres, puis qu'il n'y a rien qui soit compris sous plus de trois dimensions. Cependant, peu de temps avant nous, on s'est accordé la liberté de parler ainsi, sans rien désigner pourtant qui soit aucunement intelligible, en disant le compris sous telles droites par rapport au carré de telle droite ou au compris sous telles autres. Il était cependant aisé, au moyen des rapports composés, d'énoncer et de prouver en général les propositions précitées et celles qui suivent. » Où je vous prie de remarquer en passant que le scrupule que faisaient les anciens d'user des termes de l'arithmétique en la géométrie, qui ne pouvait procéder que de ce qu'ils ne voyaient pas assez clairement leur rapport, causait beaucoup d'obscurité et d'embarras en la façon dont ils s'expliquaient ; car Pappus poursuit en cette sorte. « Voici comment : « On pourra dire de même, quel que soit le nombre des droites, pair ou impair. Mais, comme je l'ai dit, pour aucun de ces lieux qui suivent celui à 4 droites, il n'y a eu une synthèse faite qui permette de connaître la ligne. » La question donc qui avait été commencée à résoudre par Euclide et poursuivie par Apollonius, sans avoir été achevée par personne, était telle : Puis à cause qu'il y a toujours une infinité de divers points qui peuvent satisfaire à ce qui est ici demandé, il est aussi requis de connaître et de tracer la ligne dans laquelle ils doivent tous se trouver. Et Pappus dit que lorsqu'il n'y a que trois ou quatre lignes droites données, c'est en une des trois sections coniques ; mais il n'entreprend point de la déterminer ni de la décrire, non plus que d'expliquer celles où tous ces points se doivent trouver, lorsque la question est proposée en un plus grand nombre de lignes. Seulement il ajoute que les Anciens en avaient imaginé une qu'ils montraient y être utile, mais qui semblait la plus manifeste, et qui n'était pas toutefois la première. Ce qui m'a donné occasion d'essayer si, par la méthode dont je me sers, on peut aller aussi loin qu'ils ont été. | ||||||||||||||||||
Réponse à la question de PappusLe problème de Pappus, étant données les quatre droites AB, AD, EF, GH, est de trouver le lieu géométrique des points C dont les segments (en pointillés) menés de ce point C à chacune des droites suivant des directions données ont des produits égaux, Dans ce livre premier, Descartes exprime les longueurs des segments en fonction de deux inconnues x et y pour aboutir, page 312, à la conclusion du bas de ce chapitre : « les quantités x et y qui se trouvent n'auront jamais plus de deux dimensions en ce qui ne sera produit que par la multiplication de deux lignes ». Pour cette figure, ci-dessous, ce n'est que dans le livre second qu'il fera le calcul des équations des coniques solutions. droite donnée par position : droite parallèle à une direction (position) donnée. Et premièrement j'ai connu que cette question n'étant proposée qu'en trois, ou quatre, ou cinq lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la Géométrie simple, c'est-à-dire en ne se servant que de la règle et du compas ni ne faisant autre chose que ce qui a déjà été dit ; excepté seulement lorsqu'il y a cinq lignes données, si elles sont toutes parallèles : auquel cas, comme aussi lorsque la question est proposée en 6, ou 7, ou 8, ou 9 lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la géométrie des solides, c'est-à-dire en y employant quelqu'une des trois sections coniques; excepté seulement lorsqu'il y a neuf lignes données, si elles sont toutes parallèles : auquel cas, derechef, et encore en 10, 11, 12 ou 13 lignes, on peut trouver les points cherchés par le moyen d'une ligne courbe qui soit d'un degré plus composée que les sections coniques; excepté en treize, si elles sont toutes parallèles : auquel cas, et en quatorze, 15, 16 et 17, il y faudra employer une ligne courbe encore d'un degré plus composée que la précédente, et ainsi à l'infini. Puis j'ai trouvé aussi que lorsqu'il n'y a que trois ou quatre lignes données, les points cherchés se rencontrent tous, non seulement en l'une des trois sections coniques, mais quelquefois aussi en la circonférence d'un cercle ou en une ligne droite; et que lorsqu'il y en a cinq, ou six, ou sept, ou huit, tous ces points se rencontrent en quelqu'une des lignes qui sont d'un degré plus composées que les sections coniques, et il est impossible d'en imaginer aucune qui ne soit utile à cette question; mais ils peuvent aussi derechef se rencontrer en une section conique, ou en un cercle, ou en une ligne droite. Et s'il y en a 9, ou 10, ou 11, ou 12, ces points se rencontrent en une ligne qui ne peut être que d'un degré plus composée que les précédentes; mais toutes celles qui sont d'un degré plus composées y peuvent servir, et ainsi à l'infini. Au reste, la première et la plus simple de toutes, après les sections coniques, est celle qu'on peut décrire par l'intersection d'une parabole et d'une ligne droite, en la façon qui sera tantôt expliquée. En sorte que je pense avoir entièrement satisfait à ce que Pappus nous dit avoir été cherché en ceci par les anciens ; et je tâcherai d'en mettre la démonstration en peu de mots, car il m'ennuie déjà d'en tant écrire. Soient AB, AD, EF, GH, etc., plusieurs lignes données par position et qu'il faille trouver un point, comme C, duquel ayant tiré d'autres lignes droites sur les données, comme CB, CD, CF et CH, en sorte que les angles CBA, CDA, CFE, CHG, etc., soient donnés, et que ce qui est produit par la multiplication d'une partie de ces ligues soit égal à ce qui est produit par la multiplication des autres, ou bien qu'ils aient quelque autre proportion donnée, car cela ne rend point la question plus difficile. | ||||||||||||||||||
Comment on doit poser les termes pour venir à l'équation en cet exemplePremièrement, je suppose la chose comme déjà faite, et pour me démêler de la confusion de toutes ces lignes je considère l'une des données, et l'une de celles qu'il faut trouver, par exemple AB et CE, comme les principales et auxquelles je tâche de rapporter ainsi toutes les autres. Que le segment de la ligne AB, qui est entre les points A et B, soit nommé x ; et que BC soit nommé y ; et que toutes les autres lignes données soient prolongées jusqu'à ce qu'elles coupent ces deux aussi prolongées, s'il est besoin, et si elles ne leur sont point parallèles ; comme vous voyez ici qu'elles coupent la ligne AB aux points A, E, G, et BC aux points R, S, T. Texte fondamental, où Descartes introduit, tout naturellement, les coordonnées x et y. Descartes n'a pas bien compris l'importance de son invention, malgré tout ces coordonnées seront qualifiées de cartésiennes. x = AB et y = BC sont les coordonnées dans un repère d'origine A, d'axes (AG) et la parallèle à RB. Puis à cause que tous les angles du triangle ARB sont donnés, la proportion qui est entre les côtés AB et BR est aussi donnée, et je la pose comme de z à b, de façon que AB étant x, RB sera , et la toute CR sera à cause que le point B tombe entre C et R ; car si R tombait entre C et B, CR serait ; et si C tombait entre B et R, CR serait . Tout de même les trois angles du triangle DRC sont donnés, et par conséquent aussi la proportion qui est entre les côtés CR et CD, que je pose comme de z à c, de façon que CR étant , CD sera . Après cela, pourceque les lignes AB, AD et EF sont données par position, la distance qui est entre les points A et E est aussi donnée, et si on la nomme k, on aura EB égal à k + x ; mais ce serait k – x si le point B tombait entre E et A ; et – k + x si E tombait entre A et B. pourceque : locution synonyme de parce que, utilisée par Descartes pour marquer la raison, la cause. Et pourceque les angles du triangle ESB sont tous donnés, la proportion de BE à BS est aussi donnée, et je la pose comme de z à d, si bien que BS est , et la toute CS est ; mais ce serait si le point S tombait entre B et C ; et ce serait si C tombait entre B et S. De plus les trois angles du triangle FSC sont donnés, et ensuite la proportion de CS à CF, qui soit comme de z à e, et la toute CF sera . En même façon AG, que je nomme l, est donnée, et BG est l – x et à cause du triangle BGT, la proportion de BG à BT est aussi
donnée, qui soit comme de z à f, et BT sera , et CT = . Et ainsi vous voyez qu'en tel nombre de lignes données par position qu'on puisse avoir toutes les lignes tirées dessus du point C à angles donnés, suivant la teneur de la question, se peuvent toujours exprimer chacune par trois termes, dont l'un est composé de la quantité inconnue y, multipliée ou divisée par quelque autre connue ; et l'autre de la quantité inconnue x, aussi multipliée ou divisée par quelque autre connue ; et le troisième d'une quantité toute connue ; excepté seulement si elles sont parallèles, ou bien à la ligne AB, auquel cas le terme composé de la quantité x sera nul ; ou bien à la ligne CB, auquel cas celui qui est composé de la quantité y sera nul ; ainsi qu'il est trop manifeste pour que je m'arrête à l'expliquer. Et pour les signes + et – qui se joignent à ces termes, ils peuvent être changés en toutes les façons imaginables. Puis vous voyez aussi que, multipliant plusieurs de ces lignes l'une par l'autre, les quantités x et y qui se trouvent dans le produit n'y peuvent avoir que chacune autant de dimensions, qu'il y a eu de lignes, à l'explication desquelles elles servent, qui ont été ainsi multipliées ; en sorte qu'elles n'auront jamais plus de deux dimensions en ce qui ne sera produit que par la multiplication de deux lignes ; ni plus de trois, en ce qui ne sera produit que pair la multiplication de trois, et ainsi à l'infini. | ||||||||||||||||||
Comment on trouve que ce problème est plan lorsqu'il n'est point proposé en plus de cinq lignesUne des découvertes fondamentales de Descartes, et vraiment novatrice : la notion de fonction : De plus, à cause que pour déterminer le point C, il n'y a qu'une seule condition qui soit requise, à savoir que ce qui est produit par la multiplication d'un certain nombre de ces lignes soit égal, ou, ce qui n'est de rien plus malaisé, ait la proportion donnée à ce qui est produit par la multiplication des autres ; on peut prendre à discrétion l'une des deux quantités inconnues x ou y, et chercher l'autre par cette équation, en laquelle il est évident que, lorsque la question n'est point posée en plus de cinq lignes, la quantité x, qui ne sert point à l'expression de la première, peut toujours n'y avoir que deux dimensions ; de façon que, prenant une quantité connue pour y, il ne restera que x2 = + ou – ax + ou – b2 ; et ainsi on pourra trouver la quantité x avec la règle et le compas, en la façon tantôt expliquée. Même, prenant successivement infinies diverses grandeurs pour la ligne y, on en trouvera aussi infinies pour la ligne x, et ainsi on aura une infinité de divers points, tels que celui qui est marqué C, par le moyen desquels on décrira la ligne courbe demandée. Il se peut faire aussi, la question étant proposée en six ou plus grand nombre de lignes, s'il y en a entre les données qui soient parallèles à BA ou BC, que l'une des deux quantités x ou y n'ait que deux dimensions en l'équation, et ainsi qu'on puisse trouver le point C avec la règle et le compas. Mais au contraire si elles sont toutes parallèles, encore que la question ne soit proposée qu'en cinq lignes, ce point C ne pourra ainsi être trouvé, à cause que la quantité x ne se trouvant point en toute l'équation, il ne sera plus permis de prendre une quantité connue pour celle qui est nommée y, mais ce sera celle qu'il faudra chercher. Et pourcequ'elle aura trois dimensions, on ne le pourra trouver qu'en tirant la racine d'une équation cubique, ce qui ne se peut généralement faire sans qu'on y emploie pour le moins une section conique. Et encore qu'il y ait jusqu'à neuf lignes données, pourvu qu'elles ne soient point toutes parallèles, on peut toujours faire que l'équation ne monte que jusqu'au carré de carré ; au moyen de quoi on la peut aussi toujours résoudre par les sections coniques, en la façon que j'expliquerai ci-après. Et encore qu'il y en ait jusqu'à treize, on peut toujours faire qu'elle ne monte que jusqu'au carré de cube ; ensuite de quoi on la peut résoudre par le moyen d'une ligne, qui n'est que d'un degré plus composé que les sections coniques, en la façon que j'expliquerai aussi ci-après. Et ceci est la première partie de ce que j'avais ici à démontrer ; mais avant que je passe à la seconde, il est besoin que je dise quelque chose en général de la nature des lignes courbes.
|